Catherine – Cavernes entre 1956 et 1990

Catherine – Cavernes entre 1956 et 1990

14 janvier 2024 2 Par Lou

Je me souviens…

A priori, cela peut sembler incongru de parler d’inondations sur un ton enjoué. C’est pourtant, avec un large sourire que Catherine, cavernaise de naissance, évoque ses souvenirs d’enfance. C’est en fouillant dans son album photos et ses collections de cartes postales anciennes, qu’elle va partager avec nous ses aventures…


Les grandes marées et les inondations : « souvenirs joyeux ! »

 

Les maisons du quartier « Meynard » ont été détruites le 8 août 1944 lors du bombardement des alliés sur l’usine de pétrole. « Ils ont bombardé l’usine, mais malheureusement ça un peu « débordé » ! » nous dit Catherine. Véritable traumatisme pour la population, on dénombre une vingtaine de morts ainsi qu’une cinquantaine de maisons démolies. Cela a pu laisser un sentiment d’amertume chez nos anciens.

Après la guerre, la reconstruction de Cavernes s’est faite lentement. Des commerces ont vu le jour comme l’épicerie-bureau de tabac et la boucherie.

 

Tous les habitants ont eu plaisir à y faire leurs courses. L’accueil, la gentillesse et le dévouement étaient au rendez-vous dès l’entrée dans la boutique. Et cela a duré pendant 24 ans !

Avant l’installation de l’imposante fermeture de la cale, la Dordogne avait l’habitude de s’inviter dans Cavernes au moment des grandes marées (celles avec un coefficient de 90), mais surtout lors des marées d’équinoxes de mars et de septembre (dont le coefficient dépasse 102). Accompagnées de vent, voire de tempête, elles occasionnaient des dégâts, mais les enfants attendaient les inondations avec impatience.

 

© Photo CNL 1938 – 1964

Laissons Catherine nous raconter ses souvenirs « très joyeux » d’inondations

 

Pour nous les enfants, ce n’était pas la catastrophe, d’abord parce que nous étions prévenus. Tous les cavernais se préparaient avant l’inondation. La veille, les hommes partaient avec des sauts pour récupérer la vase aux bords de la Dordogne. Et le jour J, ils fermaient les ouvertures des portes avec des planches colmatées au limon (batardeaux). Ainsi l’eau ne rentrait pas, sauf si évidemment l’eau arrivait à 1m50 ! Ce qui n’est jamais arrivé heureusement !

Nous aussi à l’épicerie, nous mettions ces fameux batardeaux. Une fois cependant, lors de l’inondation de 1970, mon père, Jean, devait colmater les ouvertures des portes de notre maison mais il a trop attendu. Je me souviens de ma mère Jacqueline lui disant la veille : « Jean, va chercher de la vase… » Puis, 5 minutes après sur un ton autoritaire : « Jean, va chercher de la vase… « . Réponse de mon père : « Mais non, j’ai le temps, j’irai demain matin la marée est prévue à 9h »… Mais la forte tempête de cette nuit-là a provoqué l’inondation bien plus tôt ! Surprise ! Quand on s’est réveillés, en bas de l’escalier on avait les pieds dans l’eau ! Dans tout le rez-de-chaussée, il y avait 3 à 4 cm d’eau !

 

© Edition Lourteau – Inondations de Meynard des 10, 11,12 Avril 1922

Nous nous sommes retrouvés avec les cageots de salades au milieu du magasin, mais aussi les boites de lessive et les autres denrées installées au sol. Les salades au milieu du magasin c’était comique, et avec les bulles de la lessive, on se serait cru dans une soirée mousse ! On a passé la journée à nettoyer… Je peux vous dire que les autres fois, Jean n’a pas oublié !

 

Reproduction journal municipal « Le Petit Loubésien »

Les inondations, pour nous, enfants, c’était une grande joie. On naviguait sur des barques, au plus profond du caniveau. Parfois, les anciens bougeaient la barque pour nous taquiner : il faut savoir qu’il n’y avait que 50 à 60 cm d’eau maximum. C’était vraiment l’attraction du quartier. Tous les enfants étaient là. On ne risquait rien, on faisait attention. Bien sûr on se faisait gronder car nous étions trempés, nos bottes étaient pleines d’eau et quelques fois nous tombions à l’eau.

Les batardeaux, c’était bien quand l’eau arrivait dans l’avenue, mais je me souviens des maisons de la plaine où l’eau passait par les égouts ou par les toilettes. J’avoue que c’est moins amusant ! Parfois, les fossés derrière les maisons de l’avenue débordaient, mais l’eau ne rentrait pas. Quand ils ont mis des batardeaux à la cale, fini ! il n’y a plus eu de rigolade. C’était la fin d’une époque.


Les fêtes à Cavernes : « Le village c’était une grande famille »

 

Quelques membres du comité des fêtes

Des groupes d’amis ont formé le comité des fêtes de Cavernes en 1954. Tous les amis, avec femmes et enfants, se réunissaient le plus souvent possible et s’investissaient totalement dans les projets de fête. Les sorties familiales du week-end permettaient aux adultes membres du comité des fêtes de découvrir les innovations des fêtes locales des villages environnants : quels étaient les orchestres en vogue ? Les feux d’artifice les plus beaux ? Les attractions les plus attirantes ?

À cette époque, les fêtes foraines représentaient une vraie compétition, et nous attachions une grande importance à la réussite de la fête qui attirait une foule considérable. Tout Cavernes était en fête pendant trois jours. Toutes les familles invitaient amis et famille élargie. Chez nous, mes grands-parents Albert et Marthe réunissaient enfants et petits-enfants. C’était l’occasion pour moi de monter sur les manèges avec mes cousins.

 

Déroulement de la fête

  • Le samedi : Ouverture de la fête foraine à 21h, avec un « toro de Fuego » qui courait dans l’avenue jusqu’à la plaine et fonçait sur la foule effrayée…puis le grand bal de nuit.

  • Le dimanche : Grand prix cycliste à 8h15, vin d’honneur, 15h , grand bal de jour, 21h30, retraite aux flambeaux. Tous les enfants de cavernes, des Valentons et du Ribet, suivaient la Lyre, depuis l’entrée de l’avenue jusqu’au fleuve, pour admirer le feu d’artifice sur la péniche, avant le grand bal de nuit et la fête foraine.

  • Le lundi : À 10h, jeux divers pour adultes et enfants, 11h 30, radio crochet, 14h, concours de boules, 15h, char enfantin, 21h 30, grand bal gratuit de clôture et bataille de confettis.

C’était vraiment une belle programmation, avec beaucoup de monde et beaucoup de joie. Une belle récompense pour le comité des fêtes de cavernes qui passait l’année à préparer ces festivités !

 

La fabrication des chars

Le groupe d’amis se réunissait pour créer et fabriquer le char enfantin. Lors de la réunion, le thème était défini. Tout cela se faisait dans la convivialité, la disponibilité et la joie. Mon père Jean Thillet, charpentier menuisier, fabriquait toutes les structures en bois avec l’aide des hommes du comité. Les épouses garnissaient les chars de fleurs en papier fabriquées lors des veillées. Elles créaient également nos costumes en fonction du thème retenu.

 

Lors de la parade dans l’avenue du port, nous étions vraiment fiers d’être sur le char conduit par un agriculteur cavernais. Plus tard, les chars furent peints et plusieurs générations se sont succédées jusqu’en 1996, année de la fusion avec le comité des fêtes de Saint-Loubès. Cette fête représentait vraiment la vie de quartier.

 

Aujourd’hui, les enfants de Cavernes, n’ont plus cette chance là… Quel dommage ! Je remercie le groupe d’amis, le comité des fêtes, et nos parents car grâce à eux, tous les enfants de Cavernes de cette époque ont des souvenirs plein la tête !


Les cavernais et l’usine Shell : « souvenir douloureux »

 

Ma mère Jacqueline me racontait que le directeur allemand avait embauché les hommes et les femmes de Saint-Loubès, ainsi que tous les jeunes, pour leur éviter le S.T.O. (Service de Travail Obligatoire). Ce fut une chance pour certains de ne pas partir en Allemagne.

 

© Reproduction « Sud-Ouest » – En 1883, Alexandre Deutsch et ses fils aménagent une raffinerie à Saint-Loubès

Au moment du bombardement, (en août 1944) tous les employés se sont précipités dans le fossé longeant la route, de l’autre côté de l’usine. Ma mère a été sauvée par un collègue qui l’a attrapée par le bras et l’a jetée dans le fossé. J’ignore son nom, mais je peux dire que je ne le remercierai jamais assez de l’avoir sauvée !


Le Club Nautique Loubésien

 

J’étais adolescente en 1969, lorsque le club nautique a été créé. Tous les jeunes cavernais ont eu la chance de pouvoir profiter de cette école de voile, sous condition de savoir nager. Des cours de natation ont été offerts par la commune et le club (15 séances au total). Tous les jeudis nous partions en bus depuis Cavernes jusqu’à Libourne, seule piscine construite à l’époque.

© Club Nautique Loubésien

Moi, je n’ai pu assister à la première séance consacrée à l’explication des mouvements. Deuxième séance : tout le monde à l’eau, mais moi, n’ayant pas appris les mouvements, j’ai bu la tasse ! À la troisième séance, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai difficilement obtenu le diplôme des 25 mètres. Il est vrai qu’après cette aventure, j’étais quelque peu réfractaire de faire de la voile. Et aujourd’hui, j’ai encore du mal à mettre la tête sous l’eau !


Catherine aura sûrement d’autres histoires à nous raconter. Un grand merci pour les photos personnelles qu’elle a bien voulu partager avec nous, qui retracent bien le dynamisme de ce quartier !