Monter son affaire n’est pas un long fleuve tranquille : c’est au contraire un chemin semé d’embuches, mais comme le dit l’adage, « à cœur vaillant rien d’impossible ». C’est ainsi qu’au prix d’une “vie de travail plutôt que de loisirs”, mais aussi grâce à une passion sans précédent et une soif de transmettre, que le Garage des Graves a œuvré pendant près d’une vingtaine d’années sur la commune de Saint-Loubès…
À la fin des années 70, suite à une récession économique entraînant la fermeture de la société dans laquelle il est alors salarié, Jacques Blanc se retrouve au chômage et peine à retrouver un emploi dans son secteur de prédilection : la mécanique automobile. À presque 40 ans, les entretiens s’enchaînent et se soldent tous par la même issue : “trop qualifié”, “trop vieux”, “trop cher”. Il lui faut donc rapidement trouver une solution. Très vite, l’idée de monter sa propre société et de se mettre à son compte s’impose à lui. Cependant, il ne souhaite pas brûler les étapes et ne peut se permettre de prendre une décision hâtive. Devenir son propre patron implique des risques, et sa famille s’inquiète alors de cette décision. “Ma femme avait peur. Au départ, elle n’était pas vraiment pour. On n’avait pas beaucoup d’argent, c’était un vrai risque. Mais justement, nous n’avions rien à perdre : “ils” n’auraient rien eu à nous saisir, alors on s’est lancés, et on a bien fait !”.
Après 6 mois de formation en gestion et comptabilité au CIPECMA de Châtelaillon, il entreprend de trouver un bâtiment en location sur le secteur de Saint-Loubès et ses environs. Grâce à une connaissance qui l’aiguille dans sa recherche, il trouve en 1979 un premier bien, plutôt modeste, pour se lancer. Il y reste 2 ans, mais à la suite de différends avec le propriétaire, conjointement à une opportunité d’achat d’un bout de terrain situé en face du garage, il fait le tour des banques à la recherche d’un prêt et devient propriétaire en 1981. Il achète une structure métallique qu’il trouve à Bordeaux, la démonte entièrement et la réinstalle pour créer ce qui deviendra alors “Le Garage des Graves”. Tout tourne alors autour du travail : la journée, il faut assurer l’activité : les réparations, la gestion, la relation client. Le soir et les weekends, il faut monter le bâtiment, le peindre, l’équiper. Sa femme et ses enfants participent de bon coeur à ce projet plus que prenant. Les vacances et les loisirs n’existent plus, mais les efforts payent, une clientèle fidèle se constitue rapidement.
Une fois l’installation terminée, l’activité du garage tourne à plein régime. Le rythme est soutenu, mais il est épaulé par sa femme qui assure notamment le secrétariat, mais pas seulement : “À l’époque, il n’y avait pas de service de livraison, alors c’est moi qui allait chercher les pièces chez les fournisseurs. Renault, Citroën, Fiat… j’en ai fait des kilomètres ! Parfois je travaillais le matin, parfois l’après-midi, ça dépendait des besoins et des imprévus. Puis, petit à petit, certains fournisseurs ont commencé à livrer ce qui m’a permis de garder mes mercredis pour m’occuper de mes petites filles. Mais quand il fallait tenir certains délais, je prenais la voiture avec elles et je filais chercher ce qui manquait !”
Donner satisfaction au client est une priorité : la relation avec la clientèle figure comme l’un des aspects les plus épanouissants du rôle de patron. Toutes les classes sociales se confondent et n’importe qui peut solliciter un dépannage ou une réparation. Pourtant, l’image du garagiste n’est pas toujours simple “Pour certains, on était la lie de la société : on n’était pas toujours bien vus, on nous prenait pour des moins que rien, comme si on ne valait pas un clou”. Il faudra parfois même batailler pour se faire payer, faire face à des tentatives de vol de véhicules ou de pièces diverses, rester digne et se faire respecter face à des clients peu scrupuleux mais très procéduriers : “ça faisait partie de la vie !”.
Quand on leur demande quel souvenir marquant ils gardent de cette période, unanimement, ils répondent “la jeunesse” ! “Il y avait toujours des jeunes partout dans ce garage. Ceux qui faisaient leur apprentissage, les stagiaires mais aussi ceux qui venaient le soir avec leur mobylette, ceux qui étaient férus de mécanique, qui voulaient apprendre ou juste regarder. Tout le monde se connaissait sur Saint-Loubès”. Il faut dire que les anecdotes ne manquent pas : “On leur avait mis une petite voiture à disposition pour qu’ils aillent s’apprendre à conduire. Ils allaient en face dans les vignes. À l’époque, il y avait bien moins de circulation qu’aujourd’hui”.
Près d’une trentaine d’apprentis seront formés au Garage des Graves. “La transmission du savoir fait partie de ce qui m’a le plus plu. Ce n’était pas tous les jours facile. On accueillait des profils de jeunes en difficulté ou qui étaient accompagnés par le centre de Terrefort. Je n’étais pas toujours tendre, mais si on ne se faisait pas craindre, on se faisait bouffer. Pour autant, plus de 80% sont revenus au fil des années pour me donner des nouvelles, me remercier. C’est valorisant. La formation, ça permet de rester jeune : c’est une véritable école de la vie”. Une école de la vie qui permettra d’accompagner de nombreux jeunes dans leur projet professionnel et qui en conduira même certains, à terme, à monter leur société et à devenir leur propre patron.
Après plus de 20 ans de travail passionné, le Garage des Graves est finalement racheté courant 2002 sans même qu’il n’y ai besoin de poster une quelconque annonce. Il sera transmis petit à petit au nouveau propriétaire qui bénéficiera pour sa passation d’un stage d’observation de 6 mois et d’un bilan complet et détaillé pour partir sur des bases saines et solides. La transmission ultime cette fois-ci d’un savoir, d’une histoire et bien plus encore…
Bel exemple de courage pour son travail; On y allait en confiance et l’accueil était agréable.