La vie au Domaine de César
Le domaine de César est une ancienne propriété viticole construite au XVIII siècle, d’une superficie de plus de 8 hectares. Issu de morcellements de terres de polyculture et situé à la Lande (chemin de Barateau), il fut acquis en 2 fois : le 3 mai 1925 et le 29 décembre 1928 par mes grands-parents, Raoul et Gabrielle Barateau.
La demeure était spacieuse : elle comprenait au rez-de-chaussée une grande salle à manger dotée d’une imposante cheminée, une cuisine, un cellier attenant ainsi qu’un grand cuvier. L’étage quant à lui regroupait 4 vastes chambres surplombant les vignes ainsi qu’une pièce pour faire sa toilette.
Quelques années seulement après l’acquisition, toute la famille vivait à la propriété. L’activité principale était alors l’exploitation de la vigne, suivant une culture traditionnelle des cépages Merlot, Cabernet, Sauvignon et Cabernet Franc. Mon grand-père gérait toutes les étapes, de l’entretien de la vigne à la mise en bouteille.
Les dépendances de la propriété
Un chai : ce lieu était destiné à la vinification et à la conservation des vins. Ce dernier, après avoir vieilli en barriques de 225 litres pendant 2 ans, était ensuite mis en bouteille directement au domaine pour la majeure partie de la production. Le reste était vendu au négociant.
La maison du Métayer : le métayer y logeait avec toute sa famille. Il s’occupait des travaux de la propriété. À cette époque, l’essentiel du travail agricole était encore réalisé à la main.
Les écuries : nous avions 2 mules qui s’appelaient Mignonne et Marquise. Elles effectuaient divers travaux de la vigne comme par exemple le labour des terres.
Un local à poires : il était entièrement fermé afin de conserver les poires dans le noir.
Un grand hangar : il servait à stocker le foin. La fenaison se faisait en été. Nous fauchions, retournions et remuions l’herbe fraîchement coupée pour la faire sécher et la transformer en foin.
Un grand poulailler : il renfermait toutes sortes de volailles.
La culture de la vigne
L’hiver était consacré à la taille de la vigne et à l’élaboration des sarments : avec les bois coupés venait ensuite le pliage. Les mois de mai et juin étaient dédiés au levage puis relevage (pour maintenir les rameaux en hauteur et dans le rang), à l’épamprage de la vigne (débarrasser le cep des rejets qui se développent à la base) ainsi qu’au rognage (couper l’extrémité des rameaux).
Septembre et octobre marquaient le temps des vendanges. Cette période mobilisait tous les membres de la famille, des plus jeunes aux plus anciens, ainsi que les amis et les voisins. À cette époque, les vendanges se faisaient à la main avec une équipe de coupeurs. Les porteurs récupéraient les grappes dans des bastes en bois qui, une fois pleines, étaient empilées dans une charrette (tirée par une mule) à l’aide de barres en bois. La charrette ainsi remplie, la vendange était vidée dans une grande cuve en bois et le raisin foulé aux pieds. Quand la fermentation était terminée commençait alors l’écoulage.
À la fin des vendanges, une grande fête appelée la « la gerbaude » était organisée. Elle se traduisait par un repas champêtre animé par des chants, de la musique et des danses. Mon grand-père, le propriétaire du domaine, offrait une journée de convivialité bien méritée à tous les vendangeurs.
Une fois tous les 2 ans passait le « bouilleur du cru » ambulant avec son alambic pour distiller les draches (raisin pressé). Il produisait une eau de vie avec un taux d’alcool variant entre 40 et 55° (seulement quelques litres). Mon grand-père prétendait alors que la « gnole » avait des vertus médicinales pour soigner toutes sortes de maux et surtout les plaies. Il préparait un bocal avec l’eau de vie et des lys à macérer durant quelques mois. Je me souviens qu’un jour, je suis tombée de vélo et j’ai eu une grosse plaie au genou. Ni une ni deux, ma grand-mère me désinfecta avec ce remède miracle : je en vous dis pas la suite… Je ne suis plus jamais retombée en vélo !
Les autres cultures
La culture des arbres fruitiers était déjà fréquemment associée à la viticulture. On comptait sur la propriété beaucoup de variétés (pêchers, pommiers, poiriers, brugnoniers, amandiers), mais aussi un potager où étaient cultivés de nombreux légumes (haricots verts, asperges, poireaux, courgettes, fèves) et autres fruits (fraises, reines de mai au goût exceptionnel, framboises…).
Nous disposions de belle manière ces fruits et légumes dans des plateaux tapissés de fougères. Mon grand-père possédait également un petit camion Peugeot pour aller vendre sa marchandise au marché des Capucins à Bordeaux. Il y avait un emplacement avec une vendeuse et partait très tôt le matin. Au sud de la propriété se trouvait un cours d’eau qui rejoignait la Dordogne. À 10 er 12 ans, ma sœur et moi partions avec un seau et une épuisette pêcher les pibales (à l’époque ce n’était pas interdit) : un souvenir inoubliable…
J’ai voulu vous raconter « La vie au domaine de César » : c’est l’histoire de notre famille.
Remerciements :
- À mon frère Jean
- À ma marraine, pour les informations sur la propriété
- Au cabinet du notaire de Saint-Loubès
- À Coly, pour son aide
Bel article qui nous en apprend d avantage sur le travail de la vigne et l esprit des demeures familiales