L’art dans tous les sens
D’aussi loin qu’elle se souvienne, Siona Brotman a toujours trouvé en l’art un moyen de s’exprimer. Gênée face à l’écriture, le blocage disparaît immédiatement lorsqu’il s’agit de dessiner. Amoureuse des mots, elle attache une grande importance au sens de chacun et y trouve une source d’inspiration infinie. Créative et passionnée, elle choisit d’embrasser une carrière de professeure d’arts plastiques et plasticienne…
La naissance d’une passion
C’est à l’âge de 11 ans et accompagnée de sa grand-mère, qu’elle se rend pour la première fois dans un musée : le Musée Ingres Bourdelle à Montauban : « Le livre qu’elle m’a offert à cette occasion fut la seule source d’inspiration durant mes années de collège. J’ai reproduit consciencieusement chaque page du livre. Dans ma tête d’enfant j’ai mis Ingres au même niveau que Walt Disney, dont je reproduisait les dessins et les aquarelles, d’un autre livre, avec la même attention. Je trouve ça drôle maintenant et je pense que mon côté pop vient de là. Ingres n’est pas mon artiste préféré mais je lui suis reconnaissante d’avoir été mon premier maître. »
Elle suit une scolarité tranquille durant laquelle elle aime se réfugier dans le dessin. Les cours d’arts plastiques dispensés au collège sont pour elle un véritable exutoire et lui permettent de laisser s’exprimer toute l’étendue de sa créativité. Son année de 3ème va marquer un tournant dans sa vie et définir son orientation professionnelle, grâce notamment au soutien de son professeur qui voit en elle un réel potentiel.
« Personne n’avait encore fait d’études supérieures dans ma famille. C’était pour moi plus « évident » de démarrer un apprentissage chez un carreleur qui devait me prendre sous son aile. Ma scolarité se passait très bien, c’est pourquoi cet enseignant m’a proposé de poursuivre vers le lycée. J’ai suivi ses conseils, ce qui a fait de moi la première bachelière de la famille ! J’ai tracé la voie, d’autres ont suivit. Cet enseignant m’a expliqué qu’il m’était possible de poursuivre mes études au Lycée Bellevue, qu’il y avait un bac général avec option arts-plastiques et histoire de l’art pour lesquels j’avais une appétence. »
À cette époque, les informations ne circulent pas facilement, notamment en matière d’orientation et de scolarité. « Quand tu n’étais pas issu socialement d’un milieu artistique, intellectuel, tu ne pouvais pas ne serait-ce qu’imaginer pouvoir aller dans ce sens. Il me semble que ça n’a pas vraiment changé. Mon engagement vis-à-vis de la place de l’art dans la société en essayant de rendre l’art accessible au plus grand nombre vient de là. »
Le cinéma : un œil grand ouvert sur le monde
C’est aussi à cette même période qu’elle découvre le monde du cinéma : elle se rend tous les mardis au ciné-club de son lycée « La programmation était incroyable ! Une richesse, une ouverture sur différents univers de réalisateurs tels que Luis Buñuel, Carlos Saura, Akira Kurosawa, Michelangelo Antonioni, Federico Fellini, Roberto Rossellini, Ingmar Bergman, Jacques Tati… C’est là effectivement que ma passion pour le cinéma s’est forgée. Un langage différent où l’écriture de chacun de ces auteurs ouvrent des pensées ! »
Elle décide ensuite de quitter le Tarn pour rejoindre Bordeaux et s’inscrit aux Beaux Arts. Elle y suit des cours pendant 5 ans et y apprend différentes façons de réfléchir sur la société à travers des expériences artistiques et culturelles : « Il faut vraiment avoir vécu l’expérience pour comprendre ! »
Une passion au service des autres
Armée de ce solide bagage, c’est accompagnée d’une bande de copains qu’elle part sur les routes (pendant près d’un an et demi) et réalise pour le compte de collectivités ou de sociétés privées de grandes peintures murales pouvant aller jusqu’à 8 mètres de hauteur ! Le bouche-à-oreille est alors leur principal canal de communication.
Portée par des valeurs de partage et de vivre ensemble, son envie d’aider et de mettre à profit ses compétences au service des autres la conduit à Lormont, puis à Camblanes où elle accompagne des enfants en situation difficile. À 22 ans, elle est recrutée par la Société Nationale de Poudrière qui souhaite donner l’opportunité à ses ouvriers (âgés d’une cinquantaine d’années) de bénéficier de cours d’arts plastiques. Elle y reste 2 années et en ressort plus confiante et plus assurée pour la suite de sa carrière.
De l’expérimentation à l’éclosion
À cette époque, elle apprend par un ami que Saint-Loubès lance un appel à projet pour créer et diriger le tout premier atelier d’arts plastiques de la commune. Sans hésiter, elle se présente au maire de l’époque, M. Serge Roux, et propose sa candidature qui est finalement retenue. L’atelier ouvre ses portes au Prieuré en avril 1991 pour une durée alors déterminée. Il s’agit de tester auprès des enfants du centre de loisirs la mise en place de ces ateliers.
L’engouement est immédiat et en 1992, petits et grands peuvent découvrir le lieu et s’essayer à des séances adaptées et ouvertes à tous. L’atelier fait alors peau neuve : tables rouges et oranges, armoires en métal cédées par la mairie et la bibliothèque… 30 ans plus tard, presque rien n’a changé ! Cette année-là marque la toute première exposition au sein de l’atelier.
En 1993, l’atelier complète son offre et propose une nouvelle discipline dispensée par Stéphane Constantin : la sculpture. 7 années seront nécessaires à la réussite de l’atelier en termes de fréquentation et d’adhésions.
Essayer, imaginer, réaliser…
L’année 1996 apporte avec elle un heureux évènement : la naissance de sa première fille. C’est un véritable bouleversement dans son quotidien qui la conduit à se poser la question : “partir ou rester ?”. La passion la pousse finalement à rester, pour le plus grand bonheur de ses élèves.
Les années se succèdent et apportent avec elles de nombreux thèmes comme “Nous rêvions follement”, “Collectif Métisse”, “Arbres”, “La règle du jeu” ou plus récemment “Éclosion !”. Chacun de ces sujets lui est inspiré par ce qu’elle ressent, l’évolution de la société, l’état de la planète et tout ce qui l’entoure (les fleurs, les insectes, la pollution…).
“Il faut toute une vie pour tout préparer !”
Parmi ses projets les plus marquants entrepris sur la commune figurent notamment l’exposition “Les nus dans la ville” (en 1998, 100 peintures éphémères de nus étaient à découvrir sur les murs, les portes, les fenêtres condamnées dans Saint-Loubès) ou encore la fresque murale réalisée par une dizaine d’adolescents des ateliers sur la façade du Club Nautique de Cavernes en 2021 (sur la thématique de l’eau et du mouvement).
“Continuer” : un projet au long cours
Le succès des ateliers n’est aujourd’hui plus à prouver : les élèves, pour la plupart fidèles, ont plaisir à regagner les bancs de l’atelier à chaque nouvelle rentrée. Après 33 années de travail passionné, Siona Brotman fourmille toujours de 1001 idées : expositions, présentations d’artistes, animations, sessions hors les murs. L’objectif reste le même : “Réfléchir autrement, aider les humains – petits, ados, adultes – valoriser les histoires de chacun et libérer l’imaginaire”…