Prenez vos cabas : c’est jour de marché !

Prenez vos cabas : c’est jour de marché !

11 juillet 2023 2 Par Lili

Le troc des marchandises avait lieu au temps où la monnaie n’existait pas. Ensuite les pièces sont apparues. On a parlé de commerce, de négoce, d’achat, de vente, de deal…


À Saint-Loubès, les foires ont précédé les marchés qui avaient pour objectifs les échanges et les rencontres entre les villageois. Les colporteurs ont également contribué à diminuer l’isolement dans les campagnes. Ces derniers étaient parfois surveillés sur « les écrits dangereux » de certains livres, car capables peut-être de troubler l’ordre de la monarchie ! (1)

Comme nous l’indique Pierre Bardou dans son Catalogue « Foires et fêtes à Saint-Loubès »(1) en 1879, un généreux donateur (M. Jérôme Dussaut) a donné un terrain à la communauté de la Paroisse de Saint-Loubès. Celui-ci accueillera d’abord un foirail puis une halle couverte pour 200 chevaux, mules, etc…(4 dates de foires par an au 19ème siècle), avec primes en récompense des plus beaux animaux. Il avait acheté ce terrain aux bénédictins de la Sauve Majeure. Plus tard, en 1854, une mairie école sera construite au centre de la halle. Peu à peu, des maisons seront bâties autour de la Mairie, avec des arcades en rez-de-chaussée, et formeront une architecture que l’on retrouve dans plusieurs communes de Gironde (Créon, Sauveterre de Guyenne).

Mais rapprochons-nous un peu plus de la fin du siècle dernier : les motoculteurs, tracteurs et matériels agricoles ont remplacé le bétail ; les foires s’appellent les journées commerciales mais le marché hebdomadaire « du lundi matin » se maintient … même si pendant un temps il a eu lieu le dimanche matin. Dans les années 1970, le lundi matin, la place de la mairie de Saint-Loubès et les arcades étaient envahies par les commerçants qui déchargeaient de bonne heure tréteaux et cageots, soit sur la place, soit sous les arceaux. Les voitures n’étaient pas encore interdites de stationnement mais sagement garées sur leurs places vers les arcades : voitures de notre enfance et maintenant voitures de collection : 2 CV Citroën, Simca 1000, Ami 6 et fidèle Renault 4L… (2)

Suivait l’installation des étals assez rapprochés avec de grands parasols pour protéger de la pluie ou du soleil, selon la saison. Il y avait des produits du terroir, des produits fermiers : chacun amenait sa production. Le marché suivait les saisons, comme les fruits et les légumes apportés par les vendeurs. A défaut de poche, les fruits étaient empaquetés dans des journaux roulés en cornet. De novembre à mars – période de plantation des arbres fruitiers – les pépiniéristes conseillaient aimablement les acheteurs. C’était le rendez-vous du lundi matin : les femmes venaient coiffées de leur fichu noué sous le menton, les hommes de l’indémodable béret.

L’hiver voyait des clients emmitouflés, mais le froid ne les arrêtait pas, il fallait s’approvisionner en nourriture et à cette occasion rencontrer quelques amis. Mais lorsque le printemps et l’été arrivaient, d’autres couleurs apparaissaient sur les étalages : fleurs des jardins gardées au frais dans des seaux, tomates rouges et fruits colorés. Il y avait aussi davantage d’odeurs qui mettaient en appétit, les cabas se remplissaient. On sentait les clients moins pressés, plus enclins à discuter… On attendait toujours le charcutier avec sa camionnette à auvent, les marchands de volailles vivantes que les enfants aimaient voir dans les cages. Intéressants aussi à regarder, les poissons étalés dans la glace sans savoir qu’ils finiraient tous par être réchauffés ! Et que dire des étals aujourd’hui disparus, couteliers, rémouleurs, rempailleurs de chaises, artisans divers…

Bien souvent, les épiciers et charcutiers étaient ambulants et en plus des marchés approvisionnaient les petits villages. Un coup de klaxon ? On arrivait avec sa liste ! Ont disparues du paysage les balances d’épicerie (style Testut) triangulaires avec deux plateaux latéraux et qui paraissaient difficiles à pratiquer. Les mauvaises langues disaient que le client pouvait se faire voler si le vendeur appuyait un doigt sur le plateau  ou lançait très fort la marchandise à peser sur le plateau !

Tout a changé aujourd’hui, mais restent quelques commerçants qui perpétuent la tradition : des petits producteurs de fruits et légumes, des pépiniéristes, la poissonnerie, les vêtements… Quand vient la belle saison, les dames sont attirées par les stands de vêtements, robes et pantalons colorés suspendus se balancent légèrement. Les vendeurs n’hésitent pas à déballer ou décrocher les habits pour leurs clientes, puis à remballer et à raccrocher puis décrocher de nouveau… la cliente est reine ! Désormais les voitures sont interdites pour la matinée sur la place de la mairie et les marchands sont beaucoup moins nombreux.

Il y a une cinquantaine d’années, ce marché bien achalandé rassemblait les habitants du village et les lundis matin c’était l’effervescence autour de la mairie. C’est un détail désuet pour les uns et un souvenir pour les autres. Mais quand le progrès nous permet de regarder une vidéo, les images – notamment du marché – procurent un véritable plaisir…(2)

Nos « marchés de plein vent alimentaires » ont été peu à peu remplacés par les premiers supermarchés, mais il semble que de nombreuses villes maintiennent la tradition des marchés tout en s’adaptant aux besoins de la population actuelle.

 

  • (1) Pierre Bardou – Catalogue « Foires et Fêtes à Saint-Loubès »
  • (2) INA (archive France Régions 3 Bordeaux) – Visage d’Aquitaine : une paroisse en Gironde
  • Photo d’en-tête : © A. Dando – Carte postale Saint-Loubès (Gironde) – La Mairie et les Halles